Roland Büchel - le député qui veut nettoyer la Fifa

veröffentlicht am Dienstag, 09.06.2015

Le Temps


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YVES PETIGNAT

Le scandale de corruption au sein de la FIFA a projeté dans les médias un député hier inconnu, Roland Büchel. Un manager du sport qui connaît bien les dessous du monde du football

Jusqu’ici, rien dans la carrière politique de Roland Rino Büchel n’était susceptible de le signaler à l’attention des médias du monde entier. Conseiller national du canton de Saint-Gall, arrivé en 2010 pour succéder à Jasmin Hutter et réélu sans histoire en 2011, il figurait parmi les députés effacés derrière les leaders de l’UDC.

Pourtant, le New York Times, la Repubblica, le Times, le Spiegel, Le Monde ou la BBC, comme les chaînes TV argentines, tous le harcèlent depuis quinze jours. Hier inconnu même des Romands, il a été révélé aux médias mondiaux par le scandale de corruption au sein de la FIFA.

Maîtrisant aussi bien l’anglais, l’italien ou l’espagnol que le français, ce fils d’un modeste garagiste d’Oberriet, dans la vallée du Rhin, est devenu, à 49 ans, le «Monsieur Propre» qui veut nettoyer les écuries de la FIFA. Mais d’abord sauver la réputation de la Suisse.

Il n’y a au parlement fédéral qu’un seul très bon connaisseur des arcanes de la FIFA, et c’est lui. Sa première intervention, à peine arrivé à Berne, est une motion demandant que le Conseil fédéral propose avant fin 2011 un rapport contenant des mesures pour lutter contre la corruption dans le sport et les paris truqués. Il ne visait pas encore directement la corruption au sein de la FIFA.

Mais, comme de coutume, le parlement a louvoyé et le Conseil des Etats transformé la motion en postulat. Le ministre des Sports, Ueli Maurer, pourra prendre son temps.

«On a ainsi perdu une précieuse année qui nous aurait permis d’avoir une législation efficace avant que le scandale de la FIFA éclate», regrette le député saint-gallois.

Après plusieurs interpellations au parlement, Roland Rino Büchel aura été l’un des artisans de la loi adoptée en décembre dernier, qui inscrit les dirigeants sportifs sur la liste des PPE, des personnalités politiques exposées. Et dont les comptes bancaires sont soumis à une surveillance particulière.

Aujourd’hui, il est prêt à défendre un durcissement de la loi qui vise à permettre la poursuite pénale de la corruption privée. Mais, comme le Conseil des Etats, il s’oppose à la poursuite d’office que réclame la gauche. Ce n’est pas nécessaire, estime-t-il, car le procureur pourra toujours en décider autrement s’il y a un intérêt public.

Une façon pour Roland Büchel de se démarquer de la gauche et de coller à la ligne de l’UDC, très réticente envers ce durcissement de la loi. Mais qui lui est reconnaissante aujourd’hui de ne pas avoir laissé ce scandale à la gauche. Son prochain combat sera de faire passer la FIFA du statut de simple association à celui de multinationale soumise à l’impôt des sociétés.

Ce manager du sport, qui a aujourd’hui des mandats de conseiller pour deux multinationales présentes dans le sport comme sponsors, a travaillé dans les années 1999-2002 comme spécialiste marketing pour la société ISL. Celle-ci avait acquis de la FIFA les droits de retransmission télévisée des Coupes du monde 2002 et 2006 pour 1,3 milliard de francs. Sa mise en faillite spectaculaire en 2001, qui a laissé à la FIFA une ardoise «officielle» de 51 millions de francs, a littéralement révolté Roland Rino Büchel.

Les rétrocommissions – ou plutôt pots-de-vin – de près de 100 millions de dollars attribuées sous l’anonymat à quelques profiteurs proches de la FIFA le révulsent encore aujourd’hui. Même si la pratique était alors autorisée par la loi suisse. «Si ISL, qui arrosait tout le monde, n’avait pas fait faillite, je suis certain que c’est la FIFA qui aurait dû déposer son bilan», analyse-t-il.

Mais dit-il aujourd’hui, «ce qui m’a fait mal avec ces scandales, c’est l’atteinte à l’image de la Suisse, associée à la corruption». Après la démission de Sepp Blatter, ce n’est pas sur lui qu’il faut compter pour attaquer un homme à terre. Il garde d’ailleurs toujours de la sympathie pour le Haut-Valaisan, homme charmant, «mais qui ne peut pas vivre sans sa petite cour où tous ne sont pas incorruptibles».

Son français parfait, Roland Büchel l’a appris à Lausanne, comme coursier et employé du Bureau vaudois d’adresses (BVA), dans les années 1980, au sortir de son apprentissage de commerce. «Je ne manquais jamais Jean-Charles Simon à la radio. La meilleure école de français», se souvient-il.

Puis il l’a perfectionné comme employé d'expoloitation au téléphérique du Glacier des Diablerets. Engagé au service consulaire, il a parcouru le monde, Venise, Milan, Buenos Aires, Guatemala-City, etc. «Plus je voyageais dans le monde et plus j’en venais à apprécier la Suisse et à aimer ce qui fait sa force et sa particularité, comme la démocratie directe», dit-il.

Le sponsoring sportif, Roland Büchel l’a appris à la Fédération suisse de ski, où il s’est retrouvé à gérer les relations avec les producteurs de fromages pour la fameuse combinaison «fromage» de l’équipe suisse, avant de passer au football.

On le retrouvera ainsi au Mali. Aujour­d’hui membre du comité des Suisses de l’extérieur et vice-président de la Commission de politique extérieure, «il reste un excellent connaisseur du réseau suisse à travers le monde, mais ne dévie pas de la ligne UDC anti-européenne», dit un de ses collègues. Qui apprécie «cet homme ouvert, mais pris entre la crainte de déplaire au sein de l’UDC et le réalisme acquis par sa connaissance du monde».

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